Un releveur d’empreintes muni d’un volumineux bloc à croquis
Gast Michels, le peintre, plasticien, sculpteur et graphiste, a été un observateur prodigieusement attentif, qui analyse avec une précision quasi chirurgicale, désagrège et traduit dans son propre univers formel tout ce qui surgit autour de lui. Un releveur d’empreintes muni d’un volumineux bloc à croquis donc, qui refait son environnement d’un trait de crayon acéré, tout en élaborant en poète éclairé, avec une détermination percutante des messages à notre adresse.
Actuellement une rétrospective organisée en parallèle au Musée national d’histoire et d’art (commissaire Lis Hausemer) et au Ratskeller du Cercle Cité (commissaire Paul Bertemes, mediArt) fait revivre l’œuvre intense de cet artiste luxembourgeois qui en a su se frayer son propre chemin à travers le monde de l’art actuel.
En dépit de l’approche spontanée, rien dans les travaux der Gast Michels n’est laissé au hasard. Les éléments picturaux, aux contours accentués, s’avèrent être les composantes expressives d’une structure picturale sophistiquée qui crée un espace empli à la fois de suspense et de tension.
Gast Michels puise sa poétique dans les singularités de notre quotidien : un langage formel qui rappelle la simplicité stylisée des signes et symboles qui accompagnent et règlent notre vie de tous les jours. Si d’ordinaire un tel langage est universellement compréhensible, dans l’art de Gast Michels la signification claire, condensée, revêt un caractère complexe. Les connotations et les valeurs, le rapport que nous entretenons avec les signes et symboles sont constamment mis en question, souvent avec une ironie subtile.
En développant son vocabulaire pictural et plastique, l’artiste ne se contente pas d’analyser des symboles, des signes, des logos, des mots. Il est à l’écoute de leurs perceptions. Il les « décortique », au sens le plus vrai du terme, les met en question, détourne avec lyrisme de prétendues vérités, des demi-vérités, des slogans, des locutions établies.
Ce sont notamment les œuvres sur papier qui nous invitent à découvrir cet univers de signes, de formes et de symboles. Des œuvres qu’il faut lire lentement comme on lit les pages d’un recueil de poésie. Les sérigraphies, puis les esquisses, les croquis et les dessins – issus des «sketchbooks» – et finalement la collection impressionnante de « coasters », de ronds de bière, sur lesquels l’artiste a fixé à vif et à tout moment ses idées, réflexions et observations. Le cadre plus intime du « Ratskeller » au Cercle Cité se prête parfaitement à présenter cette partie de l’œuvre en complément aux tableaux et sculptures exposées au Mnha.
Paul Bertemes, mediArt
Commissaire de l‘exposition au Ratskeller – Cercle Cité
Commentaires dans la presse
page,TGB,20221012,GENERALE,1,14
Lucien Kayser, Letzebuerger Land