L’immensité d’un espace jamais vu
Extraits du texte par Lucien Kayser dans le livre „Le tournant finlandais“, édité par mediArt
Que Roger Bertemes ait été fortement attaché à la réalité du monde, ses engagements, en premier d’enseignant, en ont apporté toujours une preuve convaincante. Il n’en est pas allé autrement de l’artiste que de l’homme. Son art, de même, n’a jamais perdu de son ancrage. Ce qui bien sûr ne signifie nullement réduire sa démarche à de la reproduction. (…)
Il est là un travail authentique. A refaire aussi par notre regard devant telles toiles où les espaces s’avèrent on ne peut plus ravinés, ù il s’enfonce on ne peut plus profond ou s’aventure sans fin en spirale. (…)
Cependant, dans l’un et l’autre cas, un dramatisme certain est tempéré par quelque chose de lyrique, un accent qui naît de l’accord avec la nature. De la volonté de pousser jusqu’à son essence ; la structure, ou l’architectonique, au sens de ce qui est construit, charpenté, leur est alors commune, à la nature comme à l’art qui devient son répondant signifiant.
J’en reviens toujours à telle gravure de 1980, Hommage à mon père, où je vois volontiers comme une somme des lignes et des formes de la manière de Roger Bertemes. Une partie centrale aux couches et agencements multiples, noyau d’un univers en limbes, et pour notre propos finlandais, en haut à droite, une lumière boréale naissante, promesse de quels lointains. Dans nos papiers, les couleurs, du bleu, du vert, du jaune principalement, viennent égayer les traits appuyés ou les hachures plus atmosphériques. Et des fois, il est là une réduction extrême, tel 7 août 1976 par exemple. A considérer alors de deux points de vue : le jet spontané de ce qui est appelé à se développer, à s’étoffer ; non moins, la limitation volontaire à l’essentiel, à ce qui donne à cet art son universalité.
Des tableaux comme des poèmes
Extraits du texte „Fenêtres sur l’infini“ par Paul Maas dans „Visites d’atelier“, VOL.2, édité par mediArt
Il est évident que le paysage ardennais a joué un certain rôle dans sa peinture mais d’autres contrées ont également laissé des traces : la Finlande, le Valais suisse, le Massif des Maures, la Bretagne, l’Ecosse. Dans de nombreux tableaux on croit reconnaître les falaises typiques, les pierres, les nuages ou les îles. (…)
La plupart des tableaux de Roger Bertemes ne sont pas des « représentations » d’une réalité mais des inspirations poétiques. Leur accès est plus aisé lorsqu’on les aborde comme des poèmes. C’est d’ailleurs ce que suggèrent leurs titres. Même les tableaux dramatiques restent poétiques. Cette considération nous amène, à son tour, dans une tout autre dimension, que nous appellerons, pour simplifier, l’orient.
Cette dimension ne doit toutefois pas être confondue avec un certain orientalisme décoratif. Au contraire, par son abstraction, sa sobriété, son dépouillement, l’œuvre semble toucher à ce que l’on qualifie de mentalité extrême-orientale. Il n’est pas question ici de chinoiserie mais plutôt d’une approche du lyrisme chinois ou japonais et, pour ce qui touche à la peinture, de « l’unique trait de pinceau ». Il ne s’agit pas d’une peinture gestuelle et virtuose mais au contraire d’un trait de pinceau exécuté au ralenti et dans le silence, un geste qui se suspend à l’endroit précis où le tableau s’émancipe de toute notion de temps.
„Gräser sind Gedichte
Sie perlen im Tau
Sie grünen im Licht
Sie trocknen im Duft“